LAURENT BALANDRAS vu par LES CHRONIQUES DE MANDOR
Les tribulations d'un journaliste dans un monde culturo-superficielo-passionnant....
02 juin 2014
Laurent Balandras : interview pour L'intégrale Nougaro-l'histoire de toutes ses chansons
Claude Nougaro nous a quittés le 4 mars 2004, il y a dix ans (et à l'occasion de l'anniversaire de sa disparition, j'ai publié une chronique sur ma rencontre avec lui).
Le Toulousain fut un auteur et chanteur pétri de jazz, amoureux des jazzmen et doté d’une mise en place rythmique naturelle qui fit le bonheur de ses accompagnateurs. Il nous laisse tout d’abord la richesse de ses textes qui font aujourd’hui partie de notre patrimoine. De multiples ouvrages et coffrets paraissent pour fêter l'anniversaire de sa disparition, mais l’un d’eux a particulièrement retenu mon attention, celui de Laurent Balandras, L’intégrale Nougaro – l’histoire de toutes ses chansons. L’auteur nous y révèle les coulisses de ces chansons dans lesquelles la force poétique demeure.
Le 25 février dernier, Laurent Balandras est donc passé à l'agence pour répondre à quelques questions...
L’argumentaire du livre :
Le plus célèbre des poètes et artistes toulousains, Claude Nougaro, méritait bien une Intégrale à l'occasion des 10 ans de sa disparition. Grand amateur de jazz, de musique latine et africaine, jouant des mots avec la langue française, il s'est appliqué tout au long de sa carrière dans un insolite mariage des genres, à unir chanson française et rythmes.
Laurent Balandras révèle ici la grande et la petite histoire de 400 chansons, avec une érudition étonnante qui fait de ce livre une somme inégalable, recouvrant plus de 40 ans de carrière. Des chansons d'une richesse inépuisable, car Nougaro avait l'habitude d'y livrer beaucoup de lui-même, révélant son intimité au plus près.
Une intégrale passionnante, pour commémorer la disparition d'un géant de la chanson.
L’auteur :
Prix Coup de Cœur de l'Académie Charles Cros 2006 pour les livres, Les manuscrits de Serge Gainsbourg et Les manuscrits de Claude Nougaro.
En 1990 il est le plus jeune candidat reçu au concours de Radio France et devient animateur à Radio France Isère.
De 1996 à 1999 il est en charge de la programmation musicale de la salle du Sentier des Halles.
De 1999 à 2006, il devient directeur artistique d’Universal Music, spécialiste de la chanson française.
En 2004, il fonde avec Baptiste Vignol, le Salon du livre et de la chanson de Randan (Puy-de-Dôme).
En 2007, il monte sa propre société Balandras Editions et s'occupe, entre autres, d'artistes comme Olivia Ruiz, Emma Daumas, Caroline Loeb, les Ogres de Barback, Marie Nimier, les Weeepers Circus...
Il crée également la collection Musik chez Textuel et publie les livres de Zazie, Juliette, Arthur H, Lhasa, Olivia Ruiz…etc.
Tu as déjà écrit sur Claude Nougaro. Qu’apporte ce nouveau livre sur lui ?
Jusqu’à présent, je m’étais plongé dans son processus de création au travers de ses manuscrits et de la publication des textes. Pour celui-ci, l’idée était d’éclairer l’œuvre en essayant de resituer et recontextualiser chaque chanson. J’explique de manière ludique pourquoi telle ou telle chanson a été créée ? De quoi parle-t-elle réellement ? Quel est le lien par rapport à l’ensemble de son œuvre ? Chez Nougaro, il y a deux parties : celle où il est auteur pour d’autres artistes et celle où il est auteur pour lui.
Tu racontes les histoires de près de 400 chansons. C’est une somme d’informations considérable à recueillir, donc une enquête longue et compliquée, non ?
C’est un travail qui n’est jamais fini. Je l’ai commencé il y a dix ans en bossant sur ses manuscrits. Je me suis rendu compte de comment pouvait évoluer un texte entre l’idée et sa fixation. J’ai aussi écouté beaucoup d’interviews dans lesquelles il raconte son processus créatif. Enfin, j’ai interrogé les gens avec ou pour lesquels il a travaillé. Comme tu le dis, c’est vraiment une enquête longue et minutieuse.
Nougaro faisait du jazz, de la musique latine, africaine aussi… quel était le Nougaro que tu préférais ?
Ça dépend des moments. Il y a un Nougaro très sombre, voire complètement noir, qui allait vraiment chercher en lui ses tourments, et celui-là, je l’adore. Il y a aussi un Nougaro plus lumineux qui ne me déplait pas non plus. Mais chez lui, ce n’est pas parce qu’il y a du rythme et que c’est lumineux que les textes sont forcément plus joyeux. Dans son œuvre, il y a des thèmes récurrents qui sont le temps qui passe, le manque de confiance en soi et ses tourments vis-à-vis des femmes. Souvent, il mettait en musique et il tournait en dérision ses complexes et ses problèmes psychologiques.
Peut-on dire que la musique lui a servi de psychothérapie ?
Oui, sûrement. C’est clair qu’il faisait une véritable introspection. Il y a une partie où il essaie d’être à la hauteur des poètes du 19e siècle qu’il affectionne particulièrement. À cette époque, ses textes étaient plutôt neutres, peu personnels en tout cas. Il a mis une dizaine d’années à trouver son style, mais dès qu’il a commencé à puiser en lui tous ses troubles obsessionnels, il a fini par livrer une œuvre dans laquelle il ne s’épargne rien. C’est amusant parce que tout ce qui faisait sa particularité est devenu universel.
Mais le personnage public était très pudique, non ?
Oui, c’est cela qui est paradoxal, parce que l’auteur était d’une impudeur hallucinante. Toutes ses chansons font réellement écho à ses états d’âme ou à des moments de vies très privées.
Pourquoi avoir passé beaucoup de temps de ta vie à parler de quelqu’un comme Nougaro et à mettre en avant sa vie et son œuvre ?
Quand on plonge dans l’œuvre de quelqu’un, c’est que ça fait écho en soi, forcément. Quelque part, toute proportion gardée, je me retrouve dans ce gamin complètement déscolarisé qui est sauvé par la musique et par les mots. Évoquer Nougaro a un sens aujourd’hui, parce que nous sommes face à une génération de gamins que l’on dit déphasés par rapport à la lecture et à l’écriture. Je me dis que le fait d’avoir des exemples comme Nougaro, de quelqu’un qui va s’en sortir parce qu’il est curieux et qu’il a le goût des mots, c’est important. Il est un véhicule d’espoir.
On a fêté les 10 ans de sa disparition il y a quelques semaines. Est-ce qu’il manque à la chanson française et est-ce qu’il te manque ?
Moi, j’ai l’impression de vivre avec. Il est toujours présent. Les gens que j’aime et que j’admire, écrivains, chanteurs, auteurs, je vis avec eux. Quant à manquer à la chanson française, certainement. Mais il a ouvert la voie à beaucoup d’artistes. Il y a toute une génération d’artistes qui peut écrire en français sur du rythme, ce qui n‘existait pas avant Gainsbourg et Nougaro. Ils ont vraiment ouvert cette brèche-là.
Qui sont pour toi les Nougaro d’aujourd’hui ?
Des gens qui jouent avec le son, le rythme et la langue française, il y en a beaucoup aujourd’hui. Ça peut aller de Stromae à Camille en passant même par Mylène Farmer. Ça peut choquer que je dise cela, mais c’est une artiste qui jette ses états d’âme sur du rythme. Dans la toute jeune génération, quand je vois des gamins comme Bigflo et Oli, avec leur espèce de rythme afro urbain et un vrai souci de l’écriture et de la poésie, je ne peux m’empêcher de penser que ce sont des enfants de Nougaro.
Tu as toujours été un vrai découvreur de talents. Au départ dans des grandes maisons de disque et aujourd’hui pour ta propre société de production. Pourquoi as-tu monté en 2007, Balandras Editions ?
À la base, ce n’était pas du tout volontaire. Quand j’ai quitté Universal en 2005 pour écrire des livres, il se trouve qu’un an après mon départ, les artistes avec lesquels je travaillais m’ont appelé pour me demander de monter ma structure. Je l’ai fait parce que j’avais envie de continuer à travailler avec eux.
Tu fais quoi dans cette société de production?
Je développe deux parties qui sont à la fois l’accompagnement de jeunes talents, mais aussi beaucoup la défense du répertoire. Je travaille avec les familles de Mouloudji, de Bécaud, avec Les Ogres de Barback aussi. J’essaie d’avancer sur des répertoires qui existent et qui ont besoin d’être développés davantage.
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