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PRETE MOI TA PLUME en prison

 

        C’est à la Maison d’arrêt de Villefranche, que l’association a créé son atelier d’écriture et que je me suis rendue les mercredis puis les  mardi matin puis de manière ponctuelle depuis le 1 avril 2011, à la bibliothèque, entamant ma sixième année en janvier 2011.

En janvier 2006, alors que j’étais présidente de LA VAGUE DES LIVRES qui organisait un salon du livre annuel, je fus sollicitée par le SPIP service de probation et d’insertion pénitentiaire, pour étudier une forme de  partenariat ponctuel. Nous avions opté pour la publication de quelques textes à exposer à l’entrée de la salle de l’auditorium, pendant le week-end du salon littéraire.

          Trois textes   furent regardés, voire lus ! Ces textes étaient libres et nous n’avions eu que deux mois pour nous y préparer. Il fallait d’abord instaurer la confiance avec un groupe qui se créait tout spécialement puisqu’il n’y avait pas eu ce style d’atelier d’écriture jusqu’alors.

           Je devais rester trois mois et m’y voilà toujours… L’explication est presque simple ! Les participants à cet atelier ont été demandeurs, et un membre du SPIP était détaché pour les activités socio culturelles, désireux d’accroître des actions pérennes ! Je n’ai pas fait ces derniers temps de recensement très précis, mais il y a eu au moins cent vingt gars différents, studieux, fidèles, motivés, en janvier 2011 !

          Devant leur frilosité au tout début, c’est moi qui leur avais écrit et dédicacé  le premier texte (ci-dessous). Depuis nous avons échangé largement nos connaissances communes et j'ai modifié largement ma manière de penser :

  

NOUS SOMMES TOUS DES  DETENUS POTENTIELS en dehors des professionnels de la grande criminalité...

alors ne jugeons jamais trop vite !

  

Les descendants de Verlaine

 

Un jour, un auteur, a franchi votre porte

Apportant à vos fantômes une lueur d’espoir.

A vous, méfiants et craignant les cloportes,

Curieux et indécis et n’osant trop y croire.

 

Pourtant là devant vous, avec quelques poèmes,

Vous avez découvert un être simplement,

Qui comme vous, descendants de Verlaine,

Ne voulait qu’échanger des  propos d‘agrément.

 

Vous, dévoreurs d’œuvres, de tous écrits,

Espériez de ce lieu de culture irréel,

Tuer le temps, façonner les journées infinies

De rêves, d’images, de phrases si belles,

 

De ces tout à la fois qui ôteraient le gris

De vos passés, aux heures souvent bien fades,

Qui ont dû isoler un pan de votre vie.

Laissez-moi vous offrir, en ce jour, une aubade,

 

Vous entraîner dans un tourbillon de lettre et de sons,

Vous acclamer de vouloir apprendre à tout prix,

Dès lors que ce savoir vous apporte à foison

L’aventure de héros bien souvent incompris.

 

Alors “quand il pleure dans mon cœur,

Comme il pleut sur la ville”,

Pensez-vous bien souvent dans les jours de détresse,

“Qu’as-tu fait, toi que voilà, de ta jeunesse” !

  

Il faut tenter de croire, descendants de Verlaine,

Qu’un jour, une heure, un songe bleu, l’imaginaire,

Vous sortira de l’ombre, miséricordieux.

Vous aurez le courage d’avoir lu dans les vers,

D’avoir puisé la force de lutter, pour le mieux.

 

Janvier 2006 Marie-France Balandras,  intervenante

 

          Ce texte a détendu l’atmosphère et j’ai découvert les talents, au fur et à mesure que les mois passaient. En fait j’ai appris beaucoup de ce milieu qui ne m’était pas familier, et de ces gens qui y séjournaient qui somme toute, ressemble à vous et moi avec quelques variantes ! N’étant ni un chef de bande, ni un gars des quartiers, il n’y aurait pour moi aucune gloire à me retrouver enfermée de force dans un tel lieu ! Mais il y a aussi une sacrée différence entre les petites et longues peines, le malfrat qui, comme dirait Djamel Debouzze sort des ZEP et n’en n’a retenu que la culture du dernier de la classe, et… l’incident de la vie : homicide involontaire compris,  qui peut arriver à  tout un chacun !

Cette notion du « respect » chère notamment aux musulmans convaincus pas forcément pratiquants, nous l’évoquons souvent.

 

             A force de les écouter, de leur parler en leur montrant de l’intérêt, on découvre qu’ils n’avaient pas pensé à  l'une des notions qui leur importe le plus, celle  du « respect » ! Comment supposer quand on ne l’a pas appris et que cela n’est pas inné, que le respect est d’abord celui apporté à ses propres parents qui ont sué sang et eau pour donner une éducation à leurs enfants !  Que les respecter cela veut dire, faire en sorte qu’ils sortent dans la rue, devant leurs voisins, la tête haute, et non pas avec  la tête recourbée du « père ou de la mère de celui qui est en taule…  encore une fois » ! Qu’on n’en n’a pas rien à fiche de ce que pense le voisin, car il croise tous les jours le regard désapprobateur envers ses parents ! Comme on apprend à écrire un courrier pour faire une demande d’emploi, de logement, de renseignements, les notions de base de la morale et de la vie en commun s’apprennent ! Et même si pour certains il est bien tard pour le faire, mieux vaut tard que jamais et en groupe, on s’ouvre les yeux ! D’autant qu’ils viennent à l’atelier de leur plein gré, et y reste de leur plein gré aussi.

  

            Il y a différentes sortes de « volontaires » : ceux qui pensaient juste sortir de la cellule, prendre l’air, mais trouvent bien fatigant de se tenir tranquilles une demi-journée ! Le flemmard ne revient pas deux fois ! Le curieux, si ! Le motivé, encore davantage ! Et puis il y a ceux qui petit à petit, découvrent leur propre talent d’auteur, de créateur, parfois même de dessinateur, d’auteur de rimes ou de slam, ou de rap… et sont bien surpris par leur propre talent que personne jusque là n’avait découvert, et qu'ils n'étaient pas tentés d'exploiter. Ils sont heureux que leurs textes soient publiés soit en interne, soit dans des expositions textes présentés dans des hauts formats et bien mis en relief, car là, ils sont devenus « quelqu’un de bien » ! Il y a aussi de grands lecteurs qui m’ont fait découvrir des auteurs que je n’aurai jamais lu et ce, dans toutes les nationalités ou les ethnies !

 

                Il faudrait que les enfants viennent en classe de leur plein gré, touts petits, parce qu’ils sont attirés par l’école ! Il faudrait peut-être alterner aussi enseignants et intervenants bénévoles qui y viendraient avec un tout autre état d’esprit, sans la rigueur du « rendement » ! Qu’est-ce qu’on apprend bien quand on n’y est pas contraint !

 

         Alors, si je reste à cet atelier au fil des ans, ce n’est certes pas pour le décor ! J’ai même instauré l’idée que nous étions dans la bibliothèque d’un grand paquebot, avec la grande bleue autour de nous, afin que les textes sortent du contexte ! Mais aussi, je suis épaulée par un service du SPIP attentif, qui me fait confiance, un surveillant d’étage fabuleux, un chef des communs qui comprend aussi mes attentes, et ce n’est pas rien, car là-bas on e peut rien faire seul !

 

       Et puis tous ces gars qui ont envie d’aller de l’avant, de tourner une page ratée, la rage de vaincre et de se surpasser, qui apprécient nos mardis matins en me montrant un profond respect, en faisant des efforts précisément parce que j’en fais pour eux, c’est d’un grand réconfort ! Moi aussi j’ai appris l’humilité, la patience, le travail de groupe… et nous en tirons tous une incroyable richesse !

 

        Aussi quand je relis certains textes de « mes gars », suis-je si fière d’eux !

 

mfbalandras@msn.com



02/01/2011
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